Par : Jolene Jananpour – Bruxelles
Un crime horrible a secoué la France, confrontant une fois de plus la république à des questions difficiles sur la haine, l’intégration et la cohésion sociale. Dans la petite ville relativement tranquille de La Grande Combe, dans la région de la Garre, dans le sud du pays, qui compte environ 5 000 habitants, un meurtre d’une brutalité et d’un symbolisme incroyables a été commis. Un jeune homme a été assassiné en plein jour – et le motif semble avoir été raciste et antimusulman.
Le suspect, Olivier H., 21 ans, citoyen français d’origine bosniaque né à Lyon, s’est rendu tôt le matin à la mosquée locale. Il y a rencontré Aboubacar Cissé, un migrant malien de 23 ans, qui préparait la salle de prière pour les prières du vendredi. Cissé était seul. Selon des sources policières, Olivier H. n’avait aucun lien avec la communauté de la mosquée – personne ne le connaissait. Cependant, il a demandé au jeune Malien de lui montrer comment les musulmans prient.
Apparemment sans méfiance, Cissé s’est agenouillé pour lui montrer comment commencer la prière islamique. C’est alors qu’Olivier H. a sorti un long couteau de la poche de sa veste et l’a poignardé sans sommation, des dizaines de coups de couteau. L’ensemble du délit a été filmé par les caméras de surveillance de la mosquée.
Ce que les enquêteurs ont décrit plus tard a ébranlé même les officiers les plus expérimentés. Alors qu’Aboubacar Cissé gisait au sol, gravement blessé et luttant pour sa vie, Olivier H. a sorti son téléphone et a commencé à filmer la scène – pendant des dizaines de secondes, selon le rapport de police. L’enregistrement présumé montre Olivier maudissant Dieu, se moquant de sa victime mourante et déclarant qu’il avait l’intention de tuer d’autres personnes. Son objectif annoncé était le suivant : S’immortaliser en tant que tueur en série. Il semble avoir tranquillement anticipé son arrestation. « Ils viendront me chercher de toute façon », a-t-il déclaré dans l’enregistrement.
Ce crime a suscité un vif débat à Paris. Dans une déclaration de l’Élysée, le président Emmanuel Macron s’est dit « profondément choqué » par ce crime et a promis que l’État « ferait face à la haine et à la violence avec toute la force de la loi, où qu’elles se manifestent ». Le Premier ministre Gabriel Attal s’est adressé à l’Assemblée nationale samedi, déclarant : « Un jeune homme qui ne faisait que pratiquer sa religion en paix a été brutalement assassiné – ce n’est pas seulement un crime, c’est une attaque contre les fondements de notre république ».
Les responsables de la communauté musulmane de France se sont déclarés choqués, mais pas surpris. Le Conseil français du culte musulman (CFCM) a annoncé : « Nous mettons en garde depuis des années contre l’escalade de l’incitation antimusulmane dans certains milieux politiques et médiatiques. Ceux qui sèment la haine récolteront la violence ». Nombreux sont ceux qui réclament aujourd’hui une action plus décisive – juridique et sociétale – pour lutter contre les crimes de haine anti-musulmans. Le parti d’extrême droite du Rassemblement national (NRP) a réagi avec une retenue remarquable. Son chef, Jordan Bardella, a qualifié le crime d’ « incident tragique isolé » et a mis en garde contre les « conclusions hâtives ». Mais les critiques accusent le parti de contribuer au climat dans lequel de tels crimes peuvent prendre racine – par sa rhétorique de division et ses messages nationalistes.
Devant la mosquée de La Grande Combe, des bougies ont été allumées et des fleurs ont été déposées. Des banderoles écrites à la main indiquaient : « Paix », « Pas en notre nom » et « Nous ne t’oublierons pas, Abou Bakr ». La petite communauté musulmane de la ville est traumatisée, tout comme de nombreux autres habitants, quelle que soit leur religion ou leur origine. Le maire, Patrick Malaviel, a fait une déclaration émouvante à la presse : « La Grande Combe est un lieu de coexistence pacifique. Ce qui s’est passé ici va à l’encontre de tout ce en quoi nous croyons en tant que communauté ». Depuis, la police a renforcé la sécurité autour des institutions religieuses à Gare et dans toute la France. Les communautés musulmanes du pays ont été invitées à rester vigilantes. Mais dans de nombreux endroits, la crainte prévaut, non seulement d’autres attaques possibles, mais aussi d’une éventuelle politisation du crime.
La question de la laïcité – la séparation stricte de la religion et de l’État – est revenue au premier plan du débat, avec une controverse renouvelée. Alors que des voix de droite réclament plus de surveillance et des restrictions supplémentaires aux manifestations publiques de la religion, les partis de gauche insistent sur l’urgence de lutter plus fermement contre le racisme et l’exclusion. Le meurtre de La Grande Combe jette une lumière crue sur les profondes fractures de la société française, entre diversité religieuse et normes laïques, entre principes républicains et réalité sociale. La réponse de la France à ce délit pourrait être un test crucial de la résilience de sa promesse républicaine : Liberté, Égalité, Fraternité.
Le ministre de l’intérieur, Gerald Darmanin, a qualifié le crime de « meurtre à motivation clairement raciale » et a annoncé l’ouverture d’une enquête approfondie. Le procureur spécialisé dans la lutte contre le terrorisme évalue actuellement si le motif anti-musulman doit être formellement reconnu dans la procédure judiciaire. Toutefois, les preuves actuelles suggèrent fortement que l’infraction était motivée par la haine. Olivier H. a publié sa vidéo sur Discord, une plateforme de chat qui l’a rapidement supprimée. Après l’agression, il s’est enfui en voiture et est resté en cavale pendant trois jours. Il s’est finalement rendu à un poste de police à Pistoia, près de Florence. Les rapports indiquent que des membres de sa famille et des connaissances l’ont persuadé de se rendre.
Après un examen préliminaire de l’affaire, le ministère public a déclaré que les enquêteurs considéraient que l’infraction était « motivée par des considérations raciales et islamophobes ». Les possibilités liées à l’état mental du suspect n’ont pas été exclues. À ce jour, Olivier H. n’a pas de casier judiciaire. On sait peu de choses sur lui, si ce n’est qu’il percevait des allocations de chômage, qu’il passait beaucoup de temps à jouer à des jeux vidéo et qu’il ne connaissait pas sa victime. Si de nombreuses questions restent sans réponse, une chose est sûre : L’affaire a suscité un débat politique passionné en France, reflétant un climat sociétal de plus en plus polarisé. Une polarisation qui date d’avant le 7 octobre 2023 et l’attaque du Hamas contre Israël, mais qui s’est considérablement intensifiée depuis.
Le président Macron et le premier ministre François Bayrou ont réagi rapidement. Tous deux ont fait des déclarations fermes sur les médias sociaux, exprimant leur choc face à ce crime et appelant à l’unité nationale. M. Bayrou a qualifié le crime de « honte islamophobe ». Mais au sein du gouvernement lui-même, tout le monde n’était pas d’accord sur la manière de qualifier l’attaque. Un certain nombre de ministres ont refusé d’utiliser le terme « islamophobie », qui désigne une peur profonde, un rejet ou une hostilité à l’égard de l’islam et des musulmans. L’ancien Premier ministre Manuel Valls, aujourd’hui ministre des territoires d’outre-mer, a annoncé que ce qui s’est passé à La Grande Combe était un « acte horrible » qui pouvait avoir des « connotations antimusulmanes ». Il a toutefois mis en garde contre l’utilisation du terme « islamophobie », le décrivant comme une « arme idéologique » utilisée depuis longtemps par le régime des mollahs en Iran contre ses opposants. « La France est un pays très chrétien », a-t-il ajouté.
S’agit-il d’un argument linguistique ou d’une tentative calculée de minimiser la haine anti-musulmane ? Le ministre de l’intérieur Bruno Ritayo – un conservateur de l’aile droite de son parti – a également refusé d’utiliser ce terme. Peu enclin à se rendre immédiatement sur les sites des tragédies nationales, il a attendu deux jours entiers avant de se rendre à La Grande Combe. Le parti de la gauche radicale France Unie a accusé le ministre Ritayo et l’ensemble de la droite politique de faire deux poids, deux mesures, en fonction de la religion des victimes. Le leader du parti, Jean-Luc Mélenchon, a déclaré lors d’une manifestation sur la place de la République à Paris : « L’islamophobie tue. Quiconque la facilite est complice ». Mais Jean-Luc Mélenchon lui-même a été critiqué pour avoir alimenté le sentiment antisémite en raison de sa position ambiguë sur le Hamas et de ses critiques acerbes à l’égard d’Israël après le 7 octobre.
L’assassinat d’Aboubacar Cissé intervient dans un contexte de tensions sociales croissantes en France. Cette polarisation a de nombreuses causes – et encore plus de parties. Si les incidents antisémites ont augmenté ces derniers mois, notamment après l’attaque du Hamas contre Israël en octobre 2023, la violence et le harcèlement à l’encontre des musulmans sont en hausse depuis des années. Selon les données officielles, le ministère français de l’intérieur a enregistré plus de 200 crimes islamophobes documentés pour la seule année 2024. Ces délits comprennent le vandalisme dans les mosquées, les messages de menace et les agressions physiques.
Le paysage médiatique qui accompagne ce climat est particulièrement inquiétant. Au sein de l’extrême droite et des mouvements identitaires, l’islamophobie est activement alimentée. Le magnat des médias conservateurs Vincent Bolloré joue un rôle central dans ce contexte. Ses médias, tels que CNews et Europe 1, fournissent une plateforme régulière pour la rhétorique incendiaire. Les commentateurs de ces chaînes font souvent campagne contre le « séparatisme islamiste » ou décrivent les musulmans de France comme une « menace démographique ». Les critiques soulignent que ce type de couverture contribue à la normalisation de l’islamophobie dans le discours public, sous couvert de « liberté d’expression ». Il n’est pas certain qu’Olivier H. ait été directement influencé par cet environnement médiatique. Les enquêteurs décrivent ses déclarations lors des interrogatoires comme incohérentes. Il a exprimé ouvertement sa haine de l’islam, mais il n’existe aucune preuve concrète de radicalisation par le biais de forums en ligne ou de groupes extrémistes organisés. Les autorités continuent d’examiner ses activités numériques.
Alors que la France débat de la terminologie et des responsabilités, la Grande Combe est en deuil. Aboubacar Cissé était bien connu dans le quartier. Il était décrit comme un jeune homme modeste, calme et bien intégré, qui n’hésitait pas à donner un coup de main et qui était actif au sein de la mosquée et de la communauté locale. La brutalité de son assassinat a choqué de nombreux habitants du quartier. Dans les jours qui ont suivi le crime, une campagne de collecte de fonds a été lancée, d’abord par la communauté musulmane, puis par de nombreux autres habitants. L’objectif était le suivant : Réunir suffisamment d’argent pour ramener le corps d’Aboubakar au Mali, dans le village où il est né et où vivaient ses parents et ses frères et sœurs. La réponse a été rapide et généreuse. En 48 heures, les dons ont atteint cinq chiffres.
« C’est le moins que nous puissions faire pour lui », a affirmé son ami Souleymane Traoré. « Il est mort dans un pays qui était censé être sa nouvelle patrie. Mais sa dernière demeure devrait être là où sont ses racines ». La ville prévoit également d’organiser un service interconfessionnel sur la place principale. Chrétiens, musulmans et non-croyants devraient y participer, afin de s’unir contre la haine, la division et la peur. Beaucoup espèrent que La Grande Combe ne sera pas connue comme un lieu de crime, mais comme une communauté qui s’est unie lorsque la tragédie a frappé.